10 Août 1867


Bien avant l'aube en ce milieu d'été, un groupe de carriers, galoches aux pieds, se dirige comme 6 jours par semaine, à la carrière du grand fossé. Quelques chandelles blafardes sont rapidement allumées, et se mettent à danser dans la nuit éternelle des galeries. Demain, c'est dimanche, que l'on observe religieusement, aussi, dès ce matin, les ouvriers vont s'affairer à lever au jour un bloc roulé au bas du puits la veille. La tâche ne devrait pas être bien compliquée, la pièce ne pesant guère que cinq tonnes et demie, c'est en dessous la moitié de ce qui est extrait habituellement.


16 ouvriers posent fièrement sur une roue de carrière. Doc: archives de la municipalité.

La carrière est ouverte depuis des années, mais l'administration des carrières n'a reçue la déclaration de Glory fils, un des nombreux propriétaires de carrières parisien du village, qu'en, 1863, carrière pour laquelle il s'est associé à un certain Beer. Si cette dernière n'est pas l'exploitation la plus étendue de toutes les concessions, elle n'en demeure pas moins importante par la puissance de la masse extraite, et est desservie par deux puits d'extraction à roue. 
En 1867, cette carrière est déjà tristement connue. Il n'y a pas deux ans, c'est en ces lieux même que le jeune Frémont Léopold y perdit la vie dans un éboulement.  En 1864, un ouvrier eu les jambes brisées après un coup de mine, qui provoqua la aussi un effondrement.


Plan dressé durant l'exploitation. Période 1865/76, doc IGC.

Ce matin donc, 9 ouvriers seront nécessaires pour gravir les chevilles de la grande roue en bois. La force de l'habitude conduit les carriers dans leur labeur. Lorsque la pierre dépasse enfin l'orifice du puits, des madriers, qui n'en portent que le nom, sont promptement glissés sur le trou, des rouleaux disposés sur ces derniers, et une délicate manœuvre est effectuée pour reposer le bloc sur cet ensemble. Pour les blocs plus imposants, qui dépassent souvent les 10 tonnes, les carriers doivent user de dextérité: ils restent sur la roue et gardent le bloc en tension, pendant que ce dernier est roulé sur la plateforme attenante au puits, et enfin seulement il est débridé. On s'assure par cette manœuvre fastidieuse, le soulagement des madriers pour ne pas qu'ils cèdent sous ces masses insensées. Mais le bardage de tels blocs engendre une perte de temps conséquente, dont on aura pas à subir les contraintes ce matin.


 Front de taille au grand fossé. JPL, Mai 2014.

Le bloc ainsi reposé sur l'orifice du puits couverts par 7 madriers, un craquement sourd s'est fait entendre. Etant donné que l'on ne put en distinguer l'origine, ce bruit n’inquiéta personne. D'ailleurs, deux ouvriers sont déjà redescendus dans la carrière, il faut dire qu'il y a de l'ouvrage sur le métier. Deux autres carriers, Joseph Apollinaire Lecomte et Gaspard Aimable (Gaspard étant le beau frère de Joseph) sont montés sur ledit bloc afin de le débrider, pour ensuite pouvoir le rouler sur la plateforme. Comme de coutume, Lecomte sauta du bloc sur les madriers, ce qui lui sera fatal. En effet, son poids aura suffit à briser le madrier sur lequel il sauta, et le malheureux père de quatre enfants dont deux jumeaux de un an fut précipité dans une chute de 18 mètres, entraînant avec lui une moitié de madrier brisé, sous les yeux horrifiés de ses compagnons de travail.


Grand Fossé, Mai 2014, JPL.

Comme de coutume, les exploitants ne furent pas mis face à leurs responsabilités. Tout juste fut-il souligné que ces madriers sont en fait des plats-bords, issus de la déconstruction d'anciens bateaux, et ayant donc séjournes de longues périodes dans l'eau.




Eboulement au grand fossé. On note les bourrages inachevés.
JPL, Mai 2014.


Une longue liste d'accidents


Comme évoqué précédemment, ce fut Frémont qui perdit la vie en cet endroit même, un 5 octobre 1865, à sept heures du soir. Un bloc devant être roulé sur le champ le lendemain, Martin, le tâcheron de la carrière, crut bon de retirer l'un des étais qui tenait le ciel de l'atelier, afin de ménager la place nécessaire au passage du bloc.. Le ciel n'ayant été sondé pour s'assurer qu'il ne doublait pas, comme il est d'usage de le faire, une épaufrure de 400 kgs est tombée sur le jeune carrier père d'un enfant.
Un rapport de l'ingénieur des mines en chef de Paris, Monsieur De Fourcy, daté de Juin 1868 met en garde contre le mauvais état de la carrière:
"(...) je crois devoir faire les réserves suivantes: le danger permanent qui résulte pour les carrières de l'état des ciels devrait rendre les exploitants plus sérieux. Les étais et les piliers à bras sont trop rares dans ces carrières; les bourrages à cause de la petite quantité de déchets terreux sont également insuffisant. Il en résulte un mauvais état général de la carrière qui permet aux charges de venir jusque dans les ateliers. Le système suivi par tous les exploitants, qui laissent à la charge de leurs tâcherons tous les frais de pose et de dépose des bois, et en général tous les travaux qui intéressent la sécurité de l'ensemble de la carrière, a contribué sans aucun doute aux accidents très nombreux qui ont frappé les carrières (...) depuis quelques années, sans qu'on puisse spécialement leur imputer aucun accident."

17 Octobre 1868, la mort frappe encore!

Quatre mois après ce rapport, et pratiquement 3 ans après l'éboulement qui coûta la vie à Frémont, c'est Rigourneix qui trouvera la mort dans un autre éboulement, vers 8 heures du matin. Occupé à rouler un bloc dans un atelier de la carrière, le ciel s'est soudainement détaché sur 4 mètres de longueur, sur une épaisseur de 40 centimètres, pour un volume de plus de 2 mètres cubes. Il fut tué sur le coup. Aidé dans sa tâche par le jeune François Aymard, (18 ans), ce dernier n'eut la vie sauve que grâce à une chandelle de bois, qui lui évita d'être broyé...   ...complètement, mais son état demeure cependant désespéré: estomac broyé, poumon droit détaché par l'enfoncement de deux coins en fer...


Les saignées visibles au ciel laissent deviner la taille des blocs extraits.
JPL, Mai 2014.

C'est en 1883 que la carrière est "officiellement" abandonnée, mais bien d'autres, non loin de l’épuisement, sont encore exploitées. En septembre 1892, le garde mines (nom illisible) a effectué, sur demande de Mr Imbert, administrateur judiciaire au tribunal civil de la Seine, et accompagné de Mr Masson, géomètre, une visite de l'ensemble des carrières. Voici ce qui résulte de la carrière du Grand Fossé:
"Le puits laisse à désirer, quoiqu'il puisse encore servir. La mécanique est en mauvais état. L'échelle n'est pas bonne. L'exploitation en est terminée depuis 1883. Les vides ont été loués à un champignonniste. Les ciels sont mauvais. Il n'y a rien à faire de cette carrière ou il reste encore le banc franc vierge; mais ce banc est grignoteux, et on ne peut le tirer avec fruit. Il y a des anticipations assez importantes. Mais nous avons ouï dire qu'il y avait eu un arrangement entre Mr Glory et Mr Duru, le propriétaire voisin.Les papiers de Mr Glory doivent faire question de cet arrangement."

A noter que Jacques Hippolyte Glory, dit Glory "fils", originaire de Châtillon sur Seine ou il est né en 1823, décédera en son domicile Parisien (rue Claude Bernard, dans le Vème arrondissement ), le 4 décembre 1895 à l'âge de 72 ans. Il fut le plus important exploitant de carrières sur notre commune.


Date inscrite dans une des grandes voies de roulage de la carrière du grand fossé. Un mois plus tard, Lecomte y trouvera la mort. JPL, Mai 2014.

Le grand fossé de nos jours.


La carrière se visite en deux fois. Une première partie accessible par de très dangereux fontis conduit à un réseau appelé "le paradis". Depuis les années 90, d'énormes effondrement s'y sont produits, et l'accès par les fontis, en plus d'être plus que périlleux, y est presque impossible. Une galerie plus "sérieuse" est dorénavant complètement éboulée. Le puits principal fut comblé avec de la boue, qui a coulée sur l'ensemble de cette partie du réseau. Bouché, il barre l'accès à la deuxième partie de la carrière.


Un des éboulements massifs survenus dans les années 90. JPL, Mai 2014.

Un autre bout de réseau fut découvert en Mai 2003, non sans avoir creusé un tunnel d'accès au travers du second puits de la carrière, lui aussi comblé avec du remblai. Ces galeries, enfermées entre ces deux puits, n'avaient sans doutes pas été visitées depuis plus d'uns siècle! L'état n'est guère plus engageant que la première partie décrite, mais les ateliers sont restés comme au lendemain d'une journée d'exploitation, ce qui met en valeur la technique d'exploitation par hagues et bourrages. C'est d'ailleurs l'un des rares endroits ou fut retrouvée un coin d'époque ainsi qu'une masse. Des vides ont semblent-ils été murés pour dissimuler l'extension de travaux souterrains non autorisés. ("Anticipations" dont il est fait état dans les rapports.) L'accès à cette partie, plus que sportif, et quasiment introuvable, se mérite!


Un magnifique pan du vaste réseau, condamné à l'oubli!
JPL, Mai 2014.

Aujourd'hui oublié, qui pourrait soupçonner que sous la surface, existait un lieu de vie et de souffrance, jadis connu de tous, théâtre de bien des drames et de labeur? Puisse cet article ne pas les faire tomber totalement dans l'oubli!

JPL, le 3 décembre 2018.




















L'avancée des troupes

En cette période de festivités marquant le centenaire de la fin de la première guerre mondiale, voici quelques nouvelles fraiches du front comme l'a si bien écrit le président dans l'article précédent.

Les travaux se concentrent toujours du côté du bal des roches où gosier pentu s'est lancé dans la fabrication d'une table ronde plus propice à la pose des verres….d'eau que le sol de la carrière.


 Pendant ce temps Polo, keuf et le boiteux poursuivent le déblaiement du secteur ce qui a permis de commencer à dégager l'énorme bloc de ciel tombé. Celui-ci est bien plus gros que ce que l'on pouvait imaginer comme le laisse deviner la photo ci-dessous. C'est le méticuleux qui est heureux d'apprendre cette bonne nouvelle car une fois le bloc débité, cela lui permettra de terminer la fenêtre sans fin enfin!!!!



La salle du bal des roches est désormais vidée et permet sa mise en valeur.


Quant aux haguettes elles montent, montent, montent …. à n'en plus finir. 



Elles ne demanderaient qu'à monter plus vite si des éléments perturbateurs ne venaient freiner l'avancée des troupes. Je vous laisse juger par vous même.


A cela est venu s'ajouter la visite impromptue de formation man accompagné de sa douce, laquelle en a profité pour découvrir les talents de poète de gosier pentu. Ne doutons pas que celui-ci est désormais rentré au Panthéon des plus illustres artistes de ce début de siècle. 


Et pour couronner le tout, Sam le pompier a décidé la semaine dernière de venir fêter son mariage accompagné d'une bouteille de champagne et d'un saucisson au goût exquis. Pour le réconfort des troupes nous ne pouvions refuser une telle offrande.

Après tout, comme le dit notre devise, PLAISIR MAITRE MOT. 

PS: en bonus vous trouverez ci-dessous quelques photos des journées du patrimoine qui sans l'œil avisé de petit méticuleux auraient pu être annulées, la faute à une mésaventure survenue au niveau des poutres du barbecue. Gageons que cette péripétie, qui nous a valu un beau fou rire, ne se reproduira plus avec la rénovation prévue au printemps prochain du dit barbecue. 
Dédicace au méticuleux pour son cuissot de sanglier et à keuf, promu maître ouvrier du barbecue.
Vivement l'an prochain pour fêter les 15 ans d'ouverture au public. 








Des nouvelles du front!


Le temps passe et les travaux s'égrainent tranquillement à la carrière. Coupés par le patrimoine, qui aura accueilli 430 visiteurs, les travaux se concentrent vers les haguettes, au bal des roches, mais aussi dans le secteur de la rue Martial Duronsoy, qui débouche désormais de façon normée du côté du Guet Apens.


La rue Duronsoy, désormais sur creusée sur tout son parcours.


De nouveaux piliers à bras ont vu le jour. (Sous terre!)


Deux solides piliers maçonnés délimitent la croisée de la rue de la soif.

A noter qu'un ancien ciel tombé (et débité depuis) laisse apparaître une zone qui nécessitera d'importantes consolidations. Il y a encore de l'ouvrage sur le métier dans ce secteur.

Du côté du bal des roches, les grosses quantités de remblais sont en cours d'évacuation. Le bourrage qui délimite la rue des 8 coups séparant le passage du médieval est enfin achevé! les autres remblais servent maintenant du côté de la rue basse. Le bal des roches est aussi consolidé en maçonnerie dans le prolongement de la rue du niveau, afin de terminer le ceinturage d'un pilier de masse si maigre, que l'on se demande comment ce dernier a pu supporter tout ce poids jusqu'aujourd'hui!


En face, un ciel tombé, donnant accès au "deuxième niveau".



Ca déblaye sec!


Mais il reste matière à terrasser...

De fait, rue des huit coups, et les autres allées (encore sans nom, ce qui ne saurait durer suivant l'inspiration du soir!) évoluent également.


Bourrages et hagues atteignent le ciel de la carrière.




La rue des 8 coups enfin achevée.


Du coté de la rue basse...


Un appareillage marque l'entrée de la rue basse.


Un autre petit chantier est en cours. Nous pourrions le nommer, la fenêtre sans fin! Gageons que cet ouvrage sera achevé pour les portes ouvertes 2019! 😊



Enfin, et pour terminer, bien que concentrés sur cette petite carrière, nos efforts de préservation et de surveillance se portent aussi sur l'autre "grand" réseau de carrière de la ville. Et c'est ainsi, qu'après s'êtres aperçus de l'intrusion de visiteurs par un accès fracturé, de gros travaux de condamnation de l'accès idoine ont mis fin aux visites clandestines, les quelques traces laissées par ces indélicats visiteurs effacées. Même en mauvais état, la mémoire de ces carrières restera dans l’esprit de l'époque!

JPL, le 7 novembre 2018.



Les temps sont durs

En cette période de forte canicule, la tendance voudrait que nous nous cachions sous terre et pourtant il faut bien l'admettre, les visites à la carrière se font très rares ces derniers temps.

Les vacances mais aussi la Coupe du Monde de football, les blessures ou la vieillesse font des ravages dans nos rangs.

Malgré tout, quelques incursions ont permis l'avancée de menus travaux dont celui de la fenêtre, cher à notre ami le méticuleux, et qui devrait être terminé pour le patrimoine (dans moins de deux mois déjà).

Les photos ci-dessous en attestent, l'assemblage final approche et les derniers blocs sont prêts à être taillés.







Polo quant à lui s'est contenté, armé de sa brosse métallique, de nettoyer divers graffitis et traces disgracieuses, disséminés aux endroits visibles de la carrière. Ah si nous tenions la personne qui a eu l'idée lumineuse de peinturlurer en bleu diverses parois, je pense qu'elle regretterait d'être venue. Quoi qu'il en soit certains murs ont désormais retrouvé tout leur éclat, ce qui n'en rendra que plus agréable les visites.


Ci-dessus le mur de la zone "champignonnière" débarrassé de sa fameuse peinture bleue. 

Bonnes vacances à tout le monde et rendez-vous en septembre aux journées du patrimoine, qui, n'en doutons pas, seront encore une fois bien chargées mais qui en même temps cette année n'auront pas le privilège de goûter à nouveau au vin qui pleure (dédicace à Formation man qui sera sous d'autres cieux en cette période).  


Balayer, nettoyer, astiquer, récurer, fabriquer, manger

En cette belle journée du 26/05, rendez-vous avait été pris de bonne heure avec la fine fleur des Carriers brasseurs (quelle belle rime digne de Gosier Pentu dont la voiture est foutue) avec pour seul objectif le nettoyage extérieure de la carrière suite à la chute d'arbres et l'amoncellement de divers objets; et la réalisation d'une nouvelle rampe d'accès.

Je vous laisse voir à travers ces photos qu'un bon nettoyage ainsi qu'un bon élagage s'imposait.



Etaient présents le Méticuleux, Polo, Keuf, Formation Man et Petit Méticuleux.

Les tâches avaient été bien réparties même si cela laissait songeur certaines personnes.


Après cette prise de conscience du travail à accomplir, Keuf se lança avec brio dans la fabrication de la nouvelle rampe d'accès.




Pendant ce temps, Polo, le Méticuleux et Formation Man élaguaient et brûlaient tout ce qui trainait. Il est à noter que Formation Man a surtout été efficace dans le sauvetage des escargots et la réalisation d'une cabane pour ceux-ci. Peut-être un signe d'une nouvelle envie de formation (menuisier, garde-forestier, naturaliste, ministre de l'écologie).



Ce  fut encore une fois une journée bien conviviale qui en annonce espérons-le d'autres avec pour objectif l'aménagement de l'abri à bois, la rénovation du barbecue et la réalisation du four à pain. Vaste chantier s'il en est mais chantier passionnant en perspective.

Dédicace au Méticuleux qui dans un dernier élan de bravoure à fait reluire le toit de la cabane et nous a offert un pot de miel en provenance direct des ruches pléléennes.

Allez Bonne Fête à toutes les mamans.