Lundi 30 Septembre

Sur proposition d'une connaissance du monde des carrières, le boiteux eu le plaisir de pouvoir visiter une carrière d'ordinaire fermée de tous accès. Hélas, le rendez-vous étant convenu en semaine, peu de carriers brasseurs ont pu faire le déplacement: ce n'est que partie remise!
 
La carrière est située dans une belle région de France, mise à mal par la folie meurtrière des hommes dont l'imagination est sans limites en ce domaine. Le chemin de crête fut durement disputé, notamment par les généraux jouant au "Risk" coutant la vie à 10% de la population active masculine de l'époque. Une génération sacrifiée sur l'autel de la bêtise humaine, dont nombre doivent aujourd'hui se retourner dans leur tombe s'il voyait l'état de la société actuelle. Bref...
 
Le gardien des lieux est à la tête d'une petite association. Rien ne bouge dans cette carrière classée monument historique, mais une parfaite connaissance des lieux, de son histoire, des vies qui les ont fréquentés, et une protection du site occupent fort bien cette équipe. L'entrée est superbement aménagée.
 
L'entrée, dont il fut fait usage de beaucoup de "récup'".
 
On descend par un ancien puits de ventilation et d'observation, seul accès demeurant aujourd'hui de 6 carrières (très anciennes) reliées entre elles par le percement de tunnels taillés dans la masse. Datant d'au moins du XVIII ème siècle, comme en atteste les nombreux graffitis laissés par les carriers, les vides furent exploités par piliers tournés de manière très irrégulière. Une ré-exploitation par grignotage des anciens piliers tournés mit à mal la stabilité des galeries par endroits. Un éboulement tua d'ailleurs deux carriers, père et fils, comme en témoigne le superbe graffiti leur rendant hommage. (Calvaires pleurant des larmes, crânes et pics de carriers unissant le père et le fils dans la mort) D'après notre guide, les corps furent laissés sur place, ce dont on peut quand même douter...
 
Cette carrière doit son grand attrait par le passage des soldats de la grande guerre. 1900 Allemands furent les premiers à occuper ces caves. La carrière fut rationnalisée, dans son tracé tout au moins, et vu le méphitisme de l'air, provoquant dysenteries et autres maladies, des puits de ventilations furent percés, un groupe électrogène installé.... De nombreux graffitis de ces soldats sont visibles, de même que des pierres tombales récupérées dans une maison dont les propriétaires les avaient réutilisées en dalles de sol après les avoir retournées... Des tombes étaient présentes en carrière.
 
Puis, les Français et les Américains occupèrent les lieux. Les graffitis et sculptures sont alors bien plus nombreux. Le passionné privilégié gardien du site connaît chacune des histoires correspondantes à ces milliers de noms, et c'est incroyable. Notamment celle de ces deux très jeunes Américains, dont les graffitis se font face, et qui sont aujourd'hui enterrés côte à côte dans un cimetière militaire de l'Argonne, tragique ironie du destin.L'émotion dans la voix, on sent alors les années de recherche, et surtout, la grande passion qui anime notre hôte. Hélas, quelques sculptures, probablement superbes, furent volées durant la période ou la carrière était encore ouverte. Mais de très nombreux magnifiques témoignages subsistent, et c'est tant mieux. Un étonnant "joyeux marmiton" est inscrit au ciel dans le secteur des cuisines. Poêlon d'Or avait-il des ancêtres en ces lieux?  Il règne d'ailleurs un capharnaüm incroyable dans les galeries: gamelles, bottes, gourdes, casques, obus (désarmés), et bien que "nettoyée" de tout ce qui pouvait être dangereux en 1947, il doit rester de quoi se faire exploser en fouillant un peu dans les remblais...  A noter qu'un éboulement massif empêche désormais l'accès à une partie importante du réseau qui doit renfermer bien des trésors, de même qu'un niveau inférieur lui aussi inaccessible, et dont on ne sait rien. 60 mètres plus bas passe un canal souterrain, qui fut asséché en 1917 pour servir d'hôpital souterrain.
 
La visite se termine par une longue litanie rendant hommage au Sergent Stubby, Rintintin lui même, et par un hommage envers tous les soldats passés par là. Plus que la passion, l'amour de ces lieux et de leur histoire ne fait aucun doute à présent.
 
Pour finir, on peut signaler que l'accès est fort bien protégé, mais malgré cela, des tentatives d'effraction sont régulièrement relevées, dont certaines ont parfois aboutis, notamment par des pilleurs de tombes des temps modernes dont l'abjecte appât d'un gain quelconque que pourrait rapporter ces vestiges semble effacer tout discernement. Comme quoi de tous ces grands conflits l'homme n'a aucune leçon à tirer...
 
 
 
JPL, le 2 Octobre 2013.


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